mardi 16 septembre 2014

Les diplômes

Fort de mon parcours scolaire atypique, je donne souvent des conseils à mes amis, souvent paumés dans la jungle de la vie. Un des trucs que je dis le plus souvent, c'est que les diplômes, ça sert à rien.

Un diplôme, à quoi ça sert ?

Un peu plus tôt aujourd'hui, j'ai vu ce documentaire de la RTBF. Son titre: "Bons diplômes, bons salaires: la fin d’un mythe ?". Pour moi, ces deux choses n'ont jamais été liées, je ne sais pas de quel mythe on parle ici. Un archéologue a un bon diplôme et un mauvais salaire, un développeur n'a pas de diplôme et un bon salaire. Ce documentaire dresse, par ailleurs, un portrait quelque peu effrayant de l'état de l'enseignement en Belgique. Il en ressort que le marché de l'emploi serait totalement bouché, à part quelques rares niches privilégiées; que les universités n'informeraient pas assez à ce sujet, du fait de leur système de financement; et que les étudiants se laisseraient bêtement appâter par les universités, qui se soucieraient plus de leurs financements que du bien-être de leurs étudiants. Résultat: la plupart des diplômés se retrouvent à galérer dans des petits boulots et sont frustrés par le manque de retour sur investissement, tant financier que personnel.

Il fût un temps où être diplômé d'une université, voire de l'école secondaire ou primaire était rare. Encore avant cela, quand il n'y avait pas d'universités, ceux qui voulaient étudier le faisaient en voyageant, en lisant, en correspondant et en rencontrant des savants. Puis, à l'aube de l'ère industrielle, les machines ont remplacé les fermiers, les familles sont devenues plus riches, et on a commencé à envoyer les enfants à la ville, dans une université, pour pouvoir suivre les cours du Docteur Machin, parce que le savoir est une force et permettait d'exercer un métier que peu de gens pouvaient faire, et donc de rapporter un bon salaire. Et après quelques temps, lorsque le Docteur Machin jugeait suffisantes les connaissances de l'élève que pour exercer la profession envisagée, l'élève pouvait simplement partir pratiquer, il n'avait qu'à citer ses références.

Puis, le secteur ternaire à pris de l'importance, la classe moyenne a prit de plus en plus de pouvoir, et tout le monde a pu se payer l'université. Les écoles Primaire et Secondaire sont même devenues obligatoires. Les écoles ont du trouver des moyens pour répondre à la demande, parce que le savoir est une force et qu'on ne peut pas le refuser à qui peut payer le professeur pour suivre ses cours. Les programmes ont donc été formatés, pour que tout le monde puisse trouver une place. Les examens ont été standardisés, et tout le monde passait le même. Désormais, tous les métiers étaient accessibles à tout le monde. À partir de là, l'école n'a plus appris et examiné des compétences à exercer un métier, mais des compétences à passer un examen portant sur une matière spécifique. Dès lors, un diplôme prouve que l'on a réussi cet examen, pas que l'on a acquis des compétences.

Diplôme vs. Compétences

Certains me trouveront dur. Je ne diminue pourtant pas le mérite que vous avez eu à obtenir votre Master après cinq ans sans vie sociale. Vous avez probablement du mérite pour avoir fait ça. Mais vous n'avez pas de mérite a avoir obtenu un diplôme après avoir fait ça. Ça fait du bien de le recevoir, ça flatte l'ego, mais ça ne rime à rien. Si quelqu'un a suivi les mêmes cours que vous en élève libre sans passer le diplôme, il a les mêmes acquis que vous. Si quelqu'un a étudié les mêmes sujets que vous sur le terrain plutôt qu'à l'école, il a les mêmes acquis que vous. Si quelqu'un a étudié la même chose que vous en un an plutôt que trois, dans une école privée dont le diplôme n'est pas reconnu, n'a-t-il pas les mêmes acquis que vous ? Si quelqu'un a raté son examen parce qu'il est tombé sur la mauvaise question alors que vous êtes tombé sur la bonne, n'a-t-il pas les mêmes acquis que vous ? Obtenir un diplôme ne devrait pas être source de réjouissances, ne pas l'obtenir ne devrait pas être source de déception. Un diplôme ne veut rien dire. Vous devriez être heureux d'avoir acquis un certain nombre de compétences, conformément aux objectifs que vous vous étiez fixé.

Certes, avoir un diplôme est parfois indispensable. On ne laissera pas quelqu'un pratiquer la médecine sans le diplôme approprié. On ne laissera pas un élève qui ne sait pas faire de multiplications s'inscrire dans des études d'architecture. Et pourtant, un diplôme ne garantit pas la compétence, et on préférera toujours aller chez un médecin réputé que chez le médecin de garde. Quid, alors, du médecin qui vient d'un petit pays paumé, qui est capable d'opérer à cœur ouvert mais n'a jamais obtenu le moindre diplôme officiel pour le prouver ? Le système est loin d'être parfait.

Le système

Ainsi, dès le Secondaire, le Général, le Technique de Transition, le Technique de Qualification et le Professionnel sont sensés simplement offrir des programmes différents, adaptés à différentes mentalités et aspirations. Pourtant, la plupart des gens envisagent ces systèmes comme hiérarchisés, le Technique de Qualification étant "moins bien" que le Technique de Transition, par exemple, alors même qu'il donne plus de diplômes. Cette tendance se retrouve également dans la différence entre le Bachelier Professionnalisant du Type Court et le Bachelier simple du Type Long. Comme si tout le monde s'était mis d'accord pour dire que plus on fait d'études, mieux c'est. Il faudrait plutôt suivre les étude qui nous intéressent le plus, plutôt que les études les plus longues possibles, non ?

J'ai l'impression que la justification populaire pour ce comportement est que plus les études sont longues, plus ça coûte d'argent et d'investissement personnel, et donc on peut justifier un plus haut salaire, et donc c'est mieux. Étrange, non ? Je vois beaucoup de problèmes dans cette hypothèse, pourtant largement défendue.

Les hauts salaires devraient être liés à la rareté du service rendu par la profession et à l'importance de ce service pour le bien de la communauté, pas à la durée des études. Pourquoi un agriculteur gagne-t-il moins qu'un médecin ? Son rôle est tout aussi essentiel, presque aussi compliqué (je vous mets au défi de cultiver un champ, vraiment), mais ne s'apprend que sur le tas, aucun diplôme n'est requis ...

D'ailleurs, il ne devrait pas y avoir de salaire du tout, chacun devrait faire ce qui lui plait parce que ça lui plait, et l'état devrait subvenir aux besoins de tout le monde gratuitement. Mais c'est un autre sujet. Mon point, ici, est qu'avoir un diplôme ne veut rien dire. Avoir des compétences, en revanche, c'est essentiel. Cela se reflète sur le marché de l'emploi, qui n'engage pas les jeunes diplômés qui manquent d'expérience, et c'est dommage que cela ne se reflète pas sur le marché des études, qui ne prend pas en compte la réalité du marché.

Mais est-ce vraiment le seul responsable ? Vis-à-vis du marché de l'emploi, peut-être. Les écoles devraient former à un métier. Mais il y a plein de choses qu'elles devraient faire, et identifier ces choses ne va que vous donner envie de pester contre les politiques en place, depuis des années ou plus récentes; pas vous aider à faire un choix judicieux d'orientation l'année prochaine.

Mon but n'est pas de fustiger le système en place. Il est loin d'être parfait, mais nous évoluons en son sein de devons faire avec pour le moment. Mais nous ne sommes plus à l'ère de la révolution industrielle. Je ne vois pas de raison pourquoi tout le monde devrait absolument suivre les études les plus prestigieuses possibles, et en tout cas suivre des études autant que possible. S'instruire est toujours une bonne idée, mais l'école est loin d'être le seul lieu d'instruction !

Des études, pourquoi ?

Un diplôme, ça sert à rien. Ça ne devrait pas être votre objectif. Quel que soit le point où vous vous trouvez, du Primaire au Doctorat, vous devriez avant tout regarder la liste des cours proposés, et les mettre en rapport avec les professeurs qui les donnent et l'école où ils sont donnés. Vous devriez aller à l'école pour le contenu des cours, pour l'expérience que vous allez y vivre et les compétences que vous allez y acquérir, pas pour un éventuel diplôme à la fin. Mais avant tout, vous devriez savoir ce que vous voulez.

Je ne dis pas que vous devriez savoir ce que vous voulez faire de votre vie, mais vous devriez savoir ce que vous voulez faire maintenant. Si vous ne savez pas, vous voulez probablement prendre du temps pour vous. Mais voulez-vous le faire à l'école ?

Des possibilités

Nous vivons à une époque où tout est accessible à tout le monde. J'ai vu mon frère, handicapé et ayant des difficultés de réflexion, ayant terminé ses études Secondaires en Professionnel, où il n'avait que deux heures de Math par semaine, terminer avec succès sa première année de Supérieur, qui comporte un cours d'Analyse statistique de données et mathématiques de niveau universitaire.

Nous vivons à une époque où avoir un diplôme ne veut rien dire, où les compétences réelles s'apprennent sur le tas, en travaillant, où un choix d'études ne reflète plus un choix de carrière.

Nous vivons dans (probablement) le seul pays au monde où les résultats scolaires n'ont strictement aucune influence sur les possibilités d'études qui vous sont offertes. Réussir avec 51 % ou 99 % revient exactement au même. Nous vivons également dans un pays où l'éducation est très accessible. Si vous trouvez qu'un minerval de 1.000 € est trop cher, en admettant que vous n'avez pas de bourse, observez donc le modèle d'autres pays. En réalité, l'état prend en charge environ 90 % de vos études, au minimum. C'est la raison pour laquelle certaines conditions sont fixées: vous ne pouvez pas rater trois années consécutives, vous ne pouvez pas passer en Master sans avoir un Bachelier ... Ces règles ne sont là que parce que l'état paye pour vous. Vous pouvez les contourner si vous le voulez vraiment.

Par exemple, vous inscrire dans une école privée, qui coûte 10.000 € par an, ne vous coûtera en réalité pas plus qu'une école subsidiée si vous vous arrangez pour convaincre votre examinateur de l'ONEM du bien fondé de votre instruction et qu'on vous accorde ainsi des allocations de chômage. Les méthodes d'optimisation du système que j'ai décrites ici peuvent toujours s'appliquer ! Vous pouvez également assister à des cours en élève libre, voire vous glisser dans les auditoires sans demander votre reste. Le système en place n'est qu'une suggestion, à vous de tracer votre route en fonction de vos besoins et envies. Avez-vous besoin de suivre des cours, d'acquérir des compétences, ou d'obtenir un diplôme ?

La pertinence des études

Ce sont là des chances inouïes qui vous sont offertes. Vous pouvez faire ce que vous voulez. Vous voulez devenir une rock star ? Parfait, attrapez votre guitare et ne la lâchez plus pendant les quinze prochaines années. Vous voulez devenir médecin, parfait, lancez-vous en médecine et accrochez-vous, ça va être long et difficile. Vous voulez arrêter les Secondaires pour vous consacrer exclusivement à la danse, n'hésitez pas ! Vous voulez vous inscrire en psychologie pour suivre des cours qui vous intéressent, le temps de déterminer si vous préférez continuer pour la perspective d'un éventuel salaire plus élevé par rapport à votre job précédant ? Lancez-vous. Vous voulez arrêter après six mois parce que vous préférez finalement votre ancienne carrière de coiffeuse qui vous manque déjà ? Parfait, vous n'êtes tenu à rien ! Mais si vous ne savez pas pourquoi vous êtes là, vous avez probablement mieux à faire ailleurs.

Vous voulez devenir architecte spécialisé dans les immeubles de rapport dans un style néo-futuriste; vous savez que vous allez devoir réussir un Bachelier et un Master, parsemés de stages, en architecture, tant mieux pour vous. Mais quid si ce prof d'Histoire de l'architecture à la Renaissance, dont vous n'avez que faire, ne vous laisse jamais passer ? Quid si, une fois diplômé, vous ne trouvez jamais de travail plus palpitant que des HLM en béton gris ?

Vous ne savez pas de quoi demain sera fait. Alors, arrêtez de perdre votre temps à l'école si vous n'avez pas de bonne raison d'y être. Vous voulez vraiment obtenir ce diplôme d'architecte, pour vous prouver que vous en êtes capable et ensuite pouvoir être engagé dans la boite de votre oncle ? C'est une bonne raison. Mais sinon, si vous êtes là juste parce que c'est comme ça qu'on est sensé faire, pourquoi ne pas plutôt aller directement voir Santiago Calatrava à Zurich pour lui montrer vos plans et demander de travailler avec lui ?

Pourquoi voulez-vous faire des études ?
Posez-vous cette question, et réfléchissez-y vraiment.

Le réel intérêt des études

Parfois, je me dis que j'aurais voulu faire partie de cette pseudo élite qui a toujours su ce qu'ils allaient faire et n'a jamais eu à se poser de questions, qui a enchaîné logiquement études Primaires, Secondaires, université dans une option prestigieuse et brillante carrière rythmée par le Métro-Boulot-Dodo. Toute ma vie, on m'a répété que j'étais intelligent et que je pourrais faire tout ce dont j'avais envie. Avec le recul, je sais que j'aurais réussi brillamment des études classiques de médecine, architecture, droit, philosophie, psychologie, sciences appliquées, ou journalisme. J'aurais probablement pu vivre heureux sans me poser de questions, si j'avais voulu. Mais je suis un sale gosse qui n'a jamais compris l'intérêt d'étudier des trucs qui servent à rien, et qui a en même temps toujours su trouver des applications aux trucs qu'on m'apprenait. Même aux Math, que j'ai soigneusement transposé très tôt en compétences de développement web et en théorie musicale. Mais l'essentiel de ce que j'ai appris, je ne l'ai pas appris à l'école.

Je ne dis pas que toutes ces études sont sans valeur. Pas plus tard que la semaine passée, je me suis encore surpris à avoir passé plus de quatre heures à étudier des trucs sur l'électricité sur internet, juste comme ça, parce que ça me passionne. Le nombre de sujets qui me passionnent est définitivement trop élevé que pour être détaillé. J'aime lire Wikipédia et Google. Cela va des sciences humaines à l'art, de la médecine à la mécanique, de l'astronomie à l'héraldique et en passant par le droit et la philosophie. Aurais-je pu étudier tout cela à l'école ? Pas en une vie. Et je n'aurais pas voulu en faire mon métier.

L'école n'est pas forcément sans valeur pour autant. J'ai appris l'Anglais en déchiffrant des paroles de chansons en argot américain plutôt que dans mes cours proprets, mais j'ai appris bien d'autres choses, notamment humaines. Vous savez de quoi je parle, l'école est une expérience et un contexte social.

Bref.

Si vous êtes, comme je l'ai été, à l'école pour le contexte social qu'elle fourni, arrêtez donc de vous prendre la tête avec les diplômes et les examens. Fixez-vous des petits défis, essayez de suivre tous les cours où vous êtes inscrit, essayez de réussir une année de temps en temps, mais arrêtez dès que vous en avez marre. Vous n'êtes pas obligé de réussir et de continuer, il y a une vie après l'école.

Je ne fais pas une philippique des études, c'est très bien si vous décidez d'en suivre et si vous décrochez des tas de diplômes, et si vous vous tenez à votre premier choix pour autant d'années que prévu à l'origine, tant que vous aimez ce que vous étudiez et l'environnement dans lequel vous le faites. Mon message s'adresse plutôt à ceux qui sont paumés, incertains de leurs choix et qui ne savent pas que faire de leur vie: prenez les études pour ce qu'elles sont, à savoir des cours que vous choisissez, donnés par des professeurs que vous choisissez dans des écoles que vous choisissez, pas une promesse de diplôme, d'emploi, de carrière ou de réussite. Passionnez-vous pour ce qu'on vous propose, n'ayez pas peur de l'inconnu, lancez-vous, il n'y a aucun danger, et les conséquences sont sans importance.

Si vous suivez des études pour le contenu des cours, plutôt que pour le diplôme à la clé, vous êtes assurés d'atteindre votre objectif et de vous enrichir, vous ne deviendrez pas un bête diplômé frustré à la recherche (et dans l'attente) d'un bête emploi qui corresponde à vos qualifications. Si vous vous rendez compte que vous n'aimez pas ou plus ce que vous étudiez, ou le contexte dans lequel vous l'étudiez, c'est OK d'arrêter, ou de changer d'orientation. Si on vous refuse un diplôme après bien des efforts, c'est peut-être décevant, mais ce n'est pas grave. Vous avez acquis ce que vous vouliez acquérir, même si vous n'avez pas pu le prouver.

Ne choisissez pas vos études dans l'espoir d'acquérir des qualifications qui vous permettront peut-être de faire un métier qui vous semble bien. Faites plutôt ce que vous aimez, maintenant. Vous construirez ainsi votre métier en fonction de vos qualifications et de vos goûts, plutôt que l'inverse !

Vous pourrez prouver votre valeur bien plus efficacement dans la vie qu'en brandissant un diplôme, il y a d'autres moyens de parvenir à vos objectifs, et il y a d'autres métiers que vous aimerez. D'ailleurs, vous ne trouverez pas le métier de vos rêves du premier coup. Vous ne le trouverez pas du tout. Être obligé de travailler pour gagner de l'argent, c'est chiant, quoi que vous fassiez, même si ça vous plaît. Mais vous allez être amené à expérimenter plusieurs situations que la vie vous offrira, et vous finirez par construire votre propre métier en mettant en œuvre toutes les compétences que vous aurez acquis dans le contexte dans lequel vous évoluerez. Mais ça, vous ne pourrez pas le faire tant que vous serez en quête d'un diplôme.

Arrêtez-donc de vous prendre la tête, arrêtez-donc de perdre votre temps, lancez-vous à l'aventure !

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